Interview de Xavier Mary / La place de l'art dans l'espace public
Depuis le début du mois de février, deux oeuvres d’art occupent l’espace public aux alentours de Wolubilis… Nous avons rencontré l’artiste Xavier Mary, à l’origine de « Sun Tower V » et « Highway Star », et l’avons interrogé sur les formes qu’ont prisent ses interventions artistiques pour le Centre culturel Wolubilis. Quelle démarche se cache derrière l’artiste qui se saisit de la ville, pour insérer des créations qui sollicitent l’attention des promeneurs ?
« Je ne fais pas forcément beaucoup de pièces pour l’espace public. À l’origine, Sun Tower V et Highway Star sont conçues pour être accueillies à l’intérieur de musées, d’expositions, de galeries… Pourtant, ces oeuvres fonctionnent également dans cet espace public ! Ce que j’apprécie à Wolubilis, c’est que Sun Tower V peut être vue par les passants qui se déplacent en rue, comme par ceux et celles qui conduisent leur voiture. Une sorte d’exposition « drive -in », un peu comme ce que j’ai pu faire à Liège, avec MX Temple, l’une de mes sculptures monumentales récemment acquise par la collection Uhoda, et présentée dans un lieu de passage… à la fin d’un boulevard automobile et tout proche d’une autoroute ! »
Il existe un rapport fort avec notre époque industrielle n’est-ce pas ?
» Oui, le lien est clair, entre les matériaux industriels que j’utilise pour conceptualiser mes oeuvres, et la voiture, cet objet ultime de l’ère industrielle. Je suis donc heureux que Sun Tower V puisse être vue depuis la route et qu’elle se marie si bien au bâtiment de Wolubilis. À la base, je suis d’ailleurs très inspiré par l’architecture, sauf que je fais de l’architecture « sans client », « sans fonction ajoutée », à l’état pur…
Une manière d’exposer qui coïncide avec votre intérêt pour la « White cube », ou « l’espace blanc » que proposent les galeries, musées et espaces d’expositions intérieurs ?
« J’aime beaucoup l’idée qu’une galerie; un « espace blanc », puisse isoler hors du temps un objet ayant précédemment eu une fonctionnalité, le décontextualiser. En effet, les objets de tous les jours ont tendance à disparaitre de notre vue; on ne les voit plus… Ils sont tout simplement pris dans notre univers quotidien. En exposant ces objets recyclés sortis de leur contexte, nous sommes à nouveau capables de les regarder. Après, isoler un objet de son contexte est facile, mais, ce qui est plus difficile, c’est de réfléchir à la façon dont on peut les remettre en espace et favoriser les interactions avec le plus grand nombre. »
Que souhaiteriez-vous dire aux passants qui découvrent vos installations ?
» Je crois que chaque spectateur a son libre arbitre ; il n’y a pas de bons spectateurs sans libre arbitre. Certaines personnes peuvent apprécier ce qu’elles voient, d’autres auront un sentiment de rejet. Chacun a le droit de s’en remettre à sa propre sensibilité. En revanche, il ne faut pas hésiter à dépasser son premier jugement. C’est à ce moment que de nouvelles questions viendront se poser… »
Propos recueillis par Charlotte Lalau