FRANCE BASTOEN : MARILYN, AGNÈS, EDA, BABETH ET TANT D’AUTRES…
Tour à tour actrice, enseignante ou doubleuse, France Bastoen aime autant la comédie que le chant ou la danse, mais ce qu’elle préfère par-dessus tout, c’est partager ses passions avec ses pairs, ses étudiants ou son public. Le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes, la comédienne sera de passage à Wolubilis avec Girls and Boys, un seule en scène poignant signé Denis Kelly et qui lui a récemment valu le prix Maeterlinck de la meilleure interprète.
Son goût pour le théâtre, France Bastoen ne le doit à personne en particulier, mais elle l’a développé dès son plus jeune âge : « La seule personne de ma famille à avoir fait du théâtre avant moi est mon arrière grand-mère qui, apparemment, boitait, mentait et multipliait les dettes… une sacrée personnalité ! », admet l’artiste belge. « Quand j’étais jeune, je faisais des spectacles avec ma petite sœur devant les voisins. Mon souvenir le plus mémorable, c’est quand on a joué Chantons sous la pluie et que mon père figurait la pluie avec un tuyau d’arrosage », poursuit-elle en riant. « J’ai ensuite suivi des cours de danse, de chant et de théâtre dans des ateliers, puis à l’académie, mais il n’était pas vraiment question pour ma famille que j’en fasse mon métier. J’ai donc fait des études de philologie romane avant d’entamer mon parcours au Conservatoire ».
Rencontres et partages
C’est au fil de ses rencontres que se construit finalement sa carrière. Aux côtés de Dominique Serron et de l’Infini Théâtre d’abord, où France s’essaye à de nombreux rôles d’envergure « On a fait pas mal de théâtre dit de répertoire, à chaque fois réinterrogé dans une démarche non muséale qui m’anime encore aujourd’hui. Je suis restée plus de 20 ans au sein de la compagnie et c’est vraiment là que j’ai fait mes armes », se souvient-elle. Avec Georges Lini ou Jasmina Douieb, ensuite : « On a étudié ensemble et puis Georges Lini nous a embarqués dans l’aventure du ZUT (Zone Urbaine Théâtre) où j’ai exploré un théâtre plus contemporain et des auteurs comme Denis Kelly. Je travaille encore souvent avec eux aujourd’hui, même si le ZUT n’existe plus », précise la comédienne. Avec Philippe Sireuil, enfin, qui partage aujourd’hui bien plus que les planches avec elle puisqu’il est son partenaire dans la vie. « Nous nous sommes rencontrés quand nos carrières étaient déjà bien lancées et nous avons travaillé ensemble par la suite. C’est quelqu’un qui compte beaucoup pour moi aussi sur le plan théâtral. C’est notamment lui qui m’a fait découvrir le texte Girls and Boys ou qui a réalisé la mise en scène de Mademoiselle Agnès, les deux pièces pour lesquelles j’ai été primée », résume celle qui est également doubleuse.
Vers d’autres voies
S’il est un élément qui caractérise notre compatriote, c’est sans aucun doute sa voix. Une voix grave, reconnaissable entre mille et qui lui a ouvert la voie vers de belles aventures. « J’ai eu la chance d’incarner des rôles formidables et très variés. Peut-être que ma voix ne correspondait pas au cliché des jeunes premières du théâtre classique », reconnaît-elle. « Je réalise aussi des doublages pour la télévision », enchaîne France Bastoen. « C’est un exercice très différent, mais j’aime assez capter une énergie autre que la mienne et lui prêter un bout de moi ». Elle incarne notamment la sorcière Eda dans la version française de la série d’animation américaine Luz à Osville. « Je reçois parfois des demandes de la part d’enfants ou de parents qui veulent un enregistrement sonore ou qui m’interpellent par rapport à un élément de l’histoire », s’amuse la comédienne. « Les gens m’identifient parfois par ma voix et il m’est déjà arrivé que certaines personnes me reconnaissent sur scène grâce à ça ».
Avide d’échanges et de nouvelles expériences, France Bastoen se sert aussi de sa voix depuis plusieurs années pour enseigner sa passion aux élèves du Conservatoire de Bruxelles. « Pour moi, la transmission est essentielle et je sais que j’ai aussi beaucoup à apprendre de ces artistes en herbe, sur le jeu, sur le monde qui bouge, sur la vie. On cherche ensemble, on est au même endroit. La seule différence, c’est que j’ai juste un peu plus d’expérience », conclut-elle.
3 SPECTACLES-CLÉS
La Face cachée (2007)
Un film écrit, réalisé et interprété par Bernard Campan, où elle joue la meilleure amie de Karin Viard, Babeth. « J’étais un peu stressée en arrivant sur le tournage, car c’était ma première expérience au cinéma. Mais Karin et Bernard ont été formidables. Karin m’a mise à l’aise avec beaucoup d’humilité, tandis que Bernard, malgré sa triple casquette, a été juste sur toute la ligne. Il avait un mot pour chacun sur le tournage. C’étaient vraiment des conditions idylliques ».
Nobody Else (2009)
Une création libre autour de Marilyn Monroe, co-écrite et mise en scène par Dominique Serron. « Nous sommes parties à Los Angeles sur les traces de Marilyn pour créer ce spectacle qui implique aussi du chant et de la danse. C’est le premier et l’unique seule en scène que j’ai fait avant Girls and Boys. Au départ, l’exercice ne m’attirait pas spécialement, mais j’ai vite adoré car cela installe une relation très particulière avec le public, une espèce de danse ».
Mademoiselle Agnès (2021)
Une pièce de Rebekka Krichelforf, mise en scène par Philippe Sireuil. « Mademoiselle Agnès, c’est le pendant du Misanthrope de Molière. Elle fuit ses semblables parce qu’ils ne sont pas à la hauteur… Sur scène, j’étais par contre entourée d’acteurs qui l’étaient, à la hauteur ! Il ne restait plus qu’à rebondir sur les propositions de mes partenaires. Agnès, une femme radicale, dure, en guerre contre tous, dont la noirceur interroge. N’est-ce pas ce qu’on attend d’une œuvre, qu’elle nous mette en question ? »
– Delphine Georges