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L'Artiste du mois / Camille Seilles

Article • Publié le Actualités L'Artiste du mois

Liens du sang & Liens du Coeur

Camille Seilles nous vient du Sud. Originaire de Montpellier, la photographe s’est d’abord intéressée à l’architecture avant de se lancer dans une licence en cinéma, et quitter ensuite la France pour s’établir en Belgique où elle continue de développer sa réflexion sur l’image fixe après un bachelier en photographie documentaire à l’ESA le 75.
Aujourd’hui, Camille Seilles documente les relations humaines et se concentre sur les relations intimes «pour faire de l’intime quelque chose de commun » comme avec Family of Mind, le plus personnel de ses projets photographiques dans lequel elle exploite sa conception de la famille. Nous avons eu le plaisir d’échanger quelques mots avec la photographe, soucieuse d’ouvrir son travail au public de l’Artothèque.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui se cache derrière votre dernier projet photo ?
«Avec Family of Mind, je désacralise l’image de la bonne et belle famille en donnant à voir ma famille « de l’esprit », celle qu’on se construit avec des personnes que l’on choisit. C’est un projet que j’ai débuté en mélangeant des images d’archives de ma famille ; des images prises alors que j’étais enfant avec des photos prises ces dernières années. C’est un travail anachronique, qui se tisse de liens du sang et liens d’amour… liens d’esprits.

Qu’est-ce qui vous a fait démarrer ce projet sur le concept de famille ?
«Avant de débuter Family of Mind, j’ai réalisé que dans ma photo, beaucoup de choses tournent autour des histoires de famille, ce qui m’a questionnée. Toutes les personnes qui font partie de

ce projet sont des gens à qui je me lie et qui finissent toujours par me parler de leur histoire. Cela vient naturellement dans la conversation. Tout le monde a des histoires de familles, des traumas, des moments de bonheurs… les anecdotes familiales ressortent assez rapidement. Car les choses de la vie tournent généralement autour de la famille et beaucoup de gens se définissent à travers elle. Qu’allais-je chercher dans ces rencontres ?»

Pouvez-vous nous expliquer vos précédents travaux à travers ce concept ?
«Le premier projet, À l’air libre, parle d’une famille d’agriculteurs de la Drôme provençale et aborde les transmissions de savoirs et de terres de génération en génération. À travers leurs histoires, ressort une certaine évolution de l’agriculture française.
Guru Tej, c’est l’histoire d’un petit garçon sourd qui vit avec sa famille dans l’arrière boutique de son magasin, un night shop bruxellois. Ils sont d’origine indienne et vivent à Bruxelles depuis plus de 12 ans. J’avais entendu qu’il avait des soucis à l’école et qu’il avait du mal à apprendre le français, je suis venue lui proposer des cours. Petit à petit je suis venue avec mon appareil photo lors de nos séances. C’est un enfant très expressif qui a un super chouette rapport à l’image. Je me suis sentie bien entourée dans cette famille, qui est un peu devenue ma famille d’adoption à Bruxelles. Je devais aller en Inde en mars dernier, au Panjab où ils sont retournés après leur expulsion en 2019. J’espère y retourner rapidement dans l’année qui arrive pour découvrir son monde là-bas.

Il vient d’avoir 13 ans et je souhaite continuer ce projet qui je pense, sera un projet de vie. Guru Tej est devenu mon petit frère, et quand on se fait un petit frère, on a pas envie de le lâcher.
Au lieu des liens, est quant à lui un projet que je poursuis en parallèle et qui traite de la situation et des conditions de vie des proches de détenus, ainsi que de l’impact du système carcéral sur la famille et les personnes qui gravitent autour des détenus.

Les différentes photographies issues de ces séries sont tant en noir et blanc qu’en couleur. Pouvez-vous nous en dire plus ?
«Le noir et blanc convient bien aux images d’archives, ce qui entraîne une forme de cohérence avec les photos actuelles, prises en noir et blanc. Pour Guru Tej, la couleur était incontournable, car ce petit garçon est plein de vie, et c’était une évidence…
»

À travers ces projets, que retenez- vous des différents types de liens relationnels ?
«Dans Family of Mind, le projet dans lesquels les liens relationnels sont les plus visibles, j’ai recueilli de nombreux témoignages de personnes qui se distinguent par leur âge, leur
genre, leur origine… Je me suis rendu compte que malgré ce qui est véhiculé dans l’imaginaire de ce que doit être « une famille », c’est-à-dire un père, une mère, une fratrie, les gens savent recréer les liens qui leurs sont nécessaires ; les liens qu’il leur faut pour s’épanouir et devenir de belles personnes. En fait l’idée que l’on peut se faire d’une famille hétéronormée est en train de vivre de puissants chamboulements.
Dans un autre registre je dirais que nos origines et les personnes qu’on estime être de notre famille ont un impact direct sur notre construction, tout comme le système en lui-même joue un rôle sur ces constructions. Il peut notamment leur nuire, et jouer au détriment de l’épanouissement des individus… Le plus frappant, c’est vis à-vis des proches de détenus : la justice condamne une personne pour un crime commis, ce qui bien sûr peut être sujet à débat. En revanche, leurs proches eux, ne sont finalement coupables que d’aimer et de soutenir. Ils se retrouvent pourtant stigmatisés par leur entourage et par la société, tout cela pour un acte qu’ils n’ont pas commis. Ils sont des victimes collatérales et non reconnues d’une société qui passe leur mal-être sous silence.»

Il s’agit de projets au long cours, n’est-ce pas ?
«Oui. J’ai aussi reçu la bourse De Conynck cette année ce qui me permet de continuer à explorer mon projet autour des liens, partout en Belgique. Il sera idéalement présenté sous la forme d’une publication à la Fondation Roi Baudouin l’année prochaine. Conçu en plusieurs chapitres, ce projet pourrait aussi être donné à voir sous forme d’exposition.»

Camille Seilles rejoint les nouveaux artistes du fond et dépose dès septembre trois de ses oeuvres à l’Artothèque, une issue de sa série Guru Tej, prise lors de l’anniversaire
du jeune garçon il y a deux ans, et deux images de Family of Mind, prises sur les bords d’une rivière dans la Drôme. Toutes trois sont à découvrir à l’Artothèque.

Site internet: www.camilleseilles.com

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