C’EST ARRIVÉ PRÈS DE CHEZ TOI ! UN AN POUR EN RIRE
Revue rime automatiquement avec fin d’année et l’enjeu s’avère de taille. Le monde s’affiche éclaté… et ne prête pas vraiment aux éclats de rire. Le public se montre pourtant fidèle au rendez-vous, impatient de poser sur notre quotidien, social et politique, un regard amusé, voire décalé. Il s’en passe des choses près de chez nous.
Depuis l’année passée, C’est arrivé près de chez toi ! conclut douze mois intenses sous forme de show pétillant, mis en scène par Thibaut Nève. « J’estime que ce type de spectacle est nécessaire car il permet de rire d’une actualité parfois difficile tout en recréant du lien, instaurant une distance joyeuse avec l’année écoulée. Je pense sincèrement qu’on peut, par le rire, réamorcer une solidarité, éclairer des faits, différemment des médias traditionnels… Il m’arrive régulièrement de mettre en scène des comédies qui ne sont pas nécessairement en prise avec le monde d’aujourd’hui. Mais une revue est à la fois ancrée dans le réel, et se base sur des textes écrits par des auteurs qui font presque office de journalistes, et dans l’humour. » L’exercice est si couru et apprécié que le public est en droit d’attendre certains incontournables. « Il serait en effet difficile de passer à côté du couronnement de Charles III ou des 20 ans de règne du Roi Philippe. Des événements qui nous permettent d’anticiper quelque peu l’écriture, un spectacle comme celui-ci s’élaborant sur plusieurs mois. Mais on a beau retourner le jouet dans tous les sens, il existe des sujets dont il est très difficile de rire, ou des personnalités déjà très caricaturales. Tant que le public n’est pas présent, il est impossible de prédire sa réaction. » Sans compter que les réseaux sociaux sont passés par là : exit les lapsus à foison et les petites phrases malheureuses, les politiques et autres « people » se censurent à l’extrême. « Vous n’aurez plus Yves Leterme chantant La Marseillaise à la place de la Brabançonne ! Mais nous arrivons tout de même à épingler nombre de moments qui nous inspirent. »
News et mélodies
Nouveau souffle il y a, mais sans pour autant occulter les codes de la revue à respecter. « Nous retrouvons bien sûr une alternance de textes et de chansons mais avec un spectre très large. J’ai tenu à supprimer les flonflons et paillettes, costumes et perruques, la voix et le corps suffisent amplement. En fait, les spectateurs suivent un fil rouge : un couple installé en Belgique, que nous suivons durant une année, au rythme de leur quotidien. » C’est arrivé près de chez toi ! en est à sa deuxième saison. Quel enseignement Thibaut Nève a-t-il pu tirer du premier opus ? « Plus que jamais, je privilégie une diversité de points de vue et ai donc grossi l’équipe d’écriture, avec six auteurs permanents et des contributions des comédiens-chanteurs de la troupe, et ce afin de toucher un maximum de sensibilités. » L’interaction avec le public continue, quant à elle, de le ravir. « Il peut même prendre des décisions, à la majorité, quant au déroulement de certains événements, ce qui alimente la réflexion. On ne vient pas au spectacle pour être conforté dans ses choix mais pour ouvrir le débat. » 20 à 25 % du spectacle s’écrivent sur les trois dernières semaines et, même au cours des représentations, le texte peut évoluer.
La parole et la scène
La mise en scène, redynamisée, du genre représenterait-elle un défi supplémentaire pour l’artiste multiple qu’est Thibaut Nève ? Comédien et également producteur (le Festival Il est temps d’en rire à Genval, c’est lui !), cocréateur de la Cie Gazon-Nève avec Jessica Gazon, engagé à travers des spectacles qui grattent l’intime, il jongle avec les rôles et les casquettes. « J’ai toujours eu une passion pour le journalisme d’investigation et un rapport très fort à la plume qui dit quelque chose du monde. J’ai mis en scène Sois belge et tais-toi durant sept ans, aux côtés d’André et Baudouin Remy. J’en ai gardé le meilleur pour revisiter l’exercice. Quand à la production, je m’y suis toujours intéressé, désirant comprendre, dans ce métier précaire, comment était géré l’argent. Jeune comédien, je posais sans cesse des questions. Produire participe aussi d’une vraie réflexion sociale. » Thibaut Nève continue à jouer, au gré des propositions et de ses propres projets. « Cette nécessité de m’en remettre à d’autres est très forte et je suis un acteur extrêmement docile. » Enfant, il a connu les moqueries du fait de son bégaiement. « Du premier jour où j’ai mis le pied sur un plateau, j’ai cessé de bégayer immédiatement. Le théâtre m’a sauvé la vie. » Après des études universitaires de linguistique, Thibaut est revenu à la scène. Pour l’heure, il s’apprête à ébouriffer notre fin d’année. Le rendez-vous est pris avec Tina Turner, Jean-Jacques Goldman, le groupe Abba, Paul Magnette, Jean-Marc Nollet, Hadja Lahbib… – Gilda Benjamin