LIBÉRALISME, DÉMOCRATIE ET DROITS DE L’HOMME
LIBÉRALISME, DÉMOCRATIE ET DROITS DE L’HOMME : L’ÉQUILIBRE FRAGILE DANS UN MONDE EN MUTATION
Experte en démocratie et en droits de l’Homme, la philosophe belge Justine Lacroix, surnommée « penseuse étoile » par Le Monde, place au centre de ses réflexions l’identité politique européenne. Face aux assauts extérieurs des États autoritaires et aux conflits internes non résolus, l’efficacité de l‘intervention démocratique pour relever les défis contemporains est remise en question. Alors : l’invention démocratique a-t-elle encore un avenir ? Voilà le vaste sujet qui sera abordé par Justine Lacroix à Wolubilis.
Dans le contexte actuel tel que la crise en Ukraine, la révolution numérique ou encore les enjeux écologiques, la démocratie est-elle toujours une réponse adéquate? Les recherches de Justine Lacroix visent à redynamiser le projet démocratique en confrontant les liens entre l’Union européenne, la citoyenneté et les défis contemporains.
Bien que largement discuté et interprété, le concept de libéralisme politique reste la pierre angulaire de la compréhension des systèmes démocratiques et des droits individuels. Souvent soumis à une multitude d’interprétations selon les contextes politiques et les préjugés idéologiques, les nuances de ce principe sont cruciales pour appréhender les enjeux mondiaux. Malgré la polysémie du terme associé tantôt à des partis politiques de droite en Europe, tantôt à l’aile gauche du Parti démocratique aux États-Unis, une constante demeure: le libéralisme affirme la reconnaissance de l’égalité des libertés individuelles.
Mais qu’en est-il alors des démocraties illibérales? Dans un entretien accordé au quotidien Le Soir (26/03/23), Justine Lacroix explique: «Le concept de démocratie illibérale conduit effectivement à une remise en cause des contraintes que feraient peser sur nous les droits de l’Homme et l’État de droit. On l’a observé au sein de nos espaces publics nationaux: il ne suffit pas de pointer la Hongrie ou la Pologne. Ainsi, en France, on a entendu des responsables politiques, pourtant européens convaincus, remettre en cause l’autorité de la Cour de justice de l’Union européenne ou de la Cour européenne des droits de l’Homme au nom de la souveraineté nationale. Il y a là un recul par rapport à ce qui semblait être un grand acquis mis en place depuis les années 60, à savoir l’idée que les droits de l’Homme peuvent être invoqués au-delà de son État, même pour faire condamner son propre état.»
Dans un monde où la démocratie libérale se confronte parfois à une certaine idéalisation des droits de l’Homme conduisant à un individualisme excessif, Justine Lacroix nous met en garde contre cet amalgame pointant du doigt la remise en question des organes supranationaux chargés de les protéger. Et, cette idée de décadence associée au «droit-de-l’hommisme» est la petite musique qui résonne en Vladimir Poutine depuis longtemps… Justine Lacroix explique cela par une opposition civilisationnelle : «On peut espérer que la guerre en Ukraine dévoile le vrai visage de Vladimir Poutine et suscite une forme de regain de ce que j’appellerais, à la suite d’Habermas, «le patriotisme constitutionnel» ou l’identité politique de l’Europe, qui serait assise sur la défense de ce pluralisme interne et de ce respect de l’Etat de droit. Pour autant que l’Union européenne ne confonde pas la défense de principe politique avec une forme d’exaltation identitaire du «mode de vie» européen.»
Ces différentes réflexions soulignent l’importance cruciale de maintenir un équilibre entre la démocratie, le libéralisme politique et les droits de l’Homme lorsque, aujourd’hui, les attaques contre ces principes fondamentaux menacent de renverser les bases mêmes de nos sociétés.
– Marie-Gaëlle Van Snick