MYRIAM LEROY DONNE VOIX AUX « ENFANTS» DE DONNEURS
ADN, UNE PIÈCE DOCUMENTAIRE SUR LA FILIATION
MYRIAM LEROY DONNE VOIX AUX « ENFANTS» DE DONNEURS
En novembre 2016, lorsque ses parents lui dévoilent que son père n’est pas son père, c’est une évidence pour Myriam Leroy: elle doit écrire quelque chose sur le sujet… Mais pas de place ici pour un roman autobiographique, un film documentaire ou une chronique humoristique. C’est bien de théâtre qu’il est question avec, pour fil conducteur, les témoignages de personnes nées comme elle d’une
procréation médicalement assistée et les tabous qui les entourent.
«J’ai eu besoin d’écrire pour ne pas souffrir de cette révélation», raconte la journaliste, chroniqueuse et romancière Myriam Leroy. «Je n’ai rien envisagé d’autre comme médium pour en parler car je voulais faire entendre notre voix. Avec un documentaire filmé se posait le problème de l’anonymat, tandis que le théâtre permettait d’incarner cette parole pour lui donner chair et sang», explique celle qui rêve de faire avancer le débat sur la procréation médicalement assistée (PMA). Le choix du théâtre permet également d’ajouter la dose d’humour nécessaire au sujet pour en faire un spectacle accessible et qui parle à tout le monde!
Des mineurs éternels
Écrite en 2017 et programmée au TTO en mars 2020, la pièce documentaire ADN a malheureusement été reportée à cause du COVID… En 2023, soit six ans plus tard, les choses n’ont pas beaucoup évolué, au grand regret de l’écrivaine. «Aujourd’hui, les enfants de donneurs sont toujours considérés comme des mineurs éternels, comme des enfants, et leur voix est systématiquement ignorée. En Belgique, les parents qui ont recours à un don de sperme ont toujours la possibilité de le cacher à leur enfant et sont d’ailleurs très mal encadrés. Un couple qui adopte doit suivre un processus très long et compliqué, mais dans le cadre d’une PMA, il n’y a rien…», se désole-t-elle.
Témoignages anonymes
On comprend mieux, dès lors, pourquoi les témoins rencontrés dans le cadre d’ADN ont pour la plupart souhaité garder l’anonymat. «Toutes ces personnes ont voulu préserver leur famille, en particulier leur papa», souligne celle qui dénonce avant tout le poids des secrets entourant la PMA. «La conclusion à laquelle je suis arrivée après avoir écouté tous ces témoignages, c’est que pour les enfants nés de donneurs pour
qui c’est une évidence – dans le cas d’un couple lesbien par exemple – en font beaucoup moins un problème que ceux qui l’apprennent trop tard ou dans de mauvaises circonstances», précise Myriam Leroy.
Un sujet universel
Au-delà de la PMA, c’est bien aussi d’identité et de filiation qu’il est question dans ADN «Qu’est-ce qui fait de nous ce que nous sommes? Est-ce que le sang est vraiment important? Finalement, toutes les personnes qui viennent voir la pièce et qui ne se pensent pas concernées se posent ces questions», s’amuse Myriam Leroy. Pour ce faire, notre compatriote a pu compter sur le talent de Nathalie Uffner à qui elle a confié la mise en scène. «Je savais que d’un sujet qui pouvait paraître aride elle pouvait faire quelque chose de super et je lui ai laissé carte blanche», confirme la romancière. «Elle a donné vie à mon texte, a retravaillé l’ordre, l’a coupé, a orchestré les passages chantés et dansés,… C’est vraiment un spectacle facile d’accès qui est notamment une chouette porte d’entrée vers le théâtre pour les jeunes», se réjouit-t-elle. Souhaitons également à son auteure que ce soit aussi une porte d’entrée vers un débat de société plus large au sujet de la procréation médicalement assistée, du don de sperme et des tabous qui y sont liés.
– Delphine Georges