RETOUR VERS MOLIÈRE

Le prolifique auteur et metteur en scène JeanPhilippe Daguerre, dont le Adieu Monsieur Haffmann nous avait déjà emportés, revient avec un hommage à Molière jouant avec la temporalité. Un voyage bourré de vitalité.

Le Voyage de Molière met en scène un Jean-Baptiste Poquelin au temps de sa troupe sillonnant les routes, un étudiant en médecine catapulté à ladite époque et une kyrielle de comédiens à l’énergie réjouissante. Merci ô Maître. « Ce spectacle écrit par Pierre-Olivier Scotto et moi-même pendant la crise du Covid, est le fruit de plusieurs conjonctions, explique Jean-Philippe Daguerre. Les salles étaient à l’arrêt et on fêtait les 400 ans de la naissance de Molière, nous y avons vu l’occasion d’exprimer notre amour du théâtre, un cri du cœur né d’une période de crise. Nous avons imaginé une histoire originale et drôle genre « Retour vers le futur », en puisant dans une histoire réelle puisque le confinement a aussi existé au moment de la peste. La troupe de Molière s’est retrouvée dans cette même peur de ne plus pouvoir créer. Quand je vois les spectateurs à la fin du spectacle, ils ressentent une émotion qui va bien au-delà du pur divertissement. »

Classique et contemporain : le subtil équilibre

Il y a ici une prose vive et travaillée, un style neuf et pourtant proche. « Nous nous sommes nourris de cette belle langue de Molière, Pierre-Olivier Scotto a été à la Comédie Française durant plusieurs années et j’ai monté neuf pièces de l’auteur. Nous plaçons certaines de ses phrases et des extraits dans notre propre contemporanéité, son écriture et la nôtre cohabitent. On ne peut pas imiter Molière, juste s’en imprégner. Un exercice délicat il est vrai, nous avons inventé quelques alexandrins, c’est le jeu que de se frotter à un tel auteur. »

Esprit de troupe

Dans la troupe, Teddy Mélis a été nommé « Meilleur comédien dans un second rôle » lors des Molières 2023. « Je fais du théâtre pour vivre ça, me créer une famille, nous avons célébré les 20 ans de la Cie Babouchka qui compte aujourd’hui 87 comédiens pour 12 spectacles qui se jouent, 80% sont présents depuis le début. En fait, nous avons pris en otage la troupe de Molière pour nous raconter. Je ne comprends pas cette idée de dépoussiérer Molière. Il n’y a aucune poussière, ça fait 400 ans qu’il remplit les salles du monde entier. C’est plutôt grâce à ses œuvres qu’on dépoussière le monde ! »

L’Histoire et les hommes

La tendance est à l’évocation de personnages réels et de faits historiques, Jean-Philippe Daguerre s’en est fait un style, comme dans Adieu Mr Haffmann. « J’aime le romanesque. L’intérêt n’est pas de proposer un cours d’histoire mais de s’inspirer pour raconter autre chose. L’histoire de Molière est bien sûr intéressante mais ce qui m’anime est de me glisser en lui pour voir la façon dont cela fait écho chez l’homme que je suis. Un principe d’écriture qui peut paraître prétentieux, et intime, mais j’assume. » Il est devenu un stakhanoviste du théâtre par passion, a monté de nombreux spectacles pour enfants et a gardé ce côté ludique en s’adressant aux adultes comme à tous les publics. Comme l’a dit Picasso : « On met longtemps à devenir jeune ». Chez Daguerre, peu de décors et le comédien au centre, toujours. « Sobriété et précision, sans chantilly, c’est ce que j’ai toujours appliqué. »

– Gilda Benjamin

>> TICKETS pour les représentations du jeudi 19/10 et vendredi 20/10 à 20h30