SONICO OU L’ART DU TANGO CONTEMPORAIN
Contrebassiste argentin installé en Belgique, Ariel Eberstein est passionné de musique et plus particulièrement de tango. Depuis 2015, il mène la barque de l’ensemble Sonico avec un objectif clair : faire revivre la musique de Rovira. Ce compositeur argentin, moins connu que Piazzolla, est pourtant comme lui l’un des précurseurs du tango contemporain. Hautement acclamé en Argentine, l’ensemble est de passage à Wolubilis avec le spectacle éponyme de son 3ème album « Piazzolla-Rovira – The Edge of Tango ».
Une chose est sûre en ce qui concerne notre interlocuteur : Ariel Eberstein n’aime pas la facilité ! Son travail avec Sonico est en effet le fruit d’une longue démarche : « J’ai découvert par hasard, en cherchant un morceau pour guitare électrique, contrebasse et bandonéon, un Long Play de Rovira intitulé Sonico. C’est le premier que j’ai écouté de lui. Un peu plus tard, à l’occasion du Festival du tango de Bruxelles, j’ai organisé un workshop où j’ai rencontré Stephen (violon) et Lysandre (bandonéon). Nous avons alors fondé ensemble Sonico, autour du travail de Rovira. C’était un précurseur, mais personne ne connaissait sa musique et il était très peu joué, c’est ce qui nous a décidés ».
Tango d’avanguardia
Loin du tango classique, c’est avant tout le style contemporain de Rovira qui séduit Ariel Eberstein : « Le tango traditionnel entretient une relation très stricte avec le chant et la danse, tandis que le tango avanguardia (contemporain) s’écoute et offre beaucoup de liberté », explique le contrebassiste. Une passion qu’il partage avec les autres membres de son ensemble. « Les musiciens de Sonico ont une formation classique, mais tous se sont spécialisés dans le tango. C’est une manière très différente de jouer et d’articuler la musique. Les improvisations aussi sont différentes. C’est un style qui se situe quelque part entre le jazz et le classique », raconte-til. Et d’ajouter encore : « Grâce à Sonico, je peux vraiment choisir la direction artistique que je souhaite donner aux choses. Le fait que ce soit mon projet m’offre une grande liberté que je n’avais pas lorsque je jouais avec des orchestres classiques ».
De Bruxelles à Buenos Aires
Grâce à ce projet, Ariel Eberstein crée aussi des ponts entre son pays d’adoption et son pays natal, où l’ensemble Sonico jouit d’ailleurs d’une belle notoriété. « Les médias écrivent pas mal sur nous. Ça leur paraît surréaliste que ce soit un groupe belge qui ait découvert la musique d’un compositeur argentin, mais Sonico appartient au milieu du tango à part entière. Tous les musiciens qui en font partie ont un profond respect pour cette musique. » C’est donc une belle histoire d’amour qui relie l’ensemble musical à l’Argentine et qui lui a déjà permis de jolies rencontres, mais c’est aussi pour le contrebassiste un pari réussi. « Nous avons déjà fait deux tournées à Buenos Aires et de nombreuses personnes ont découvert Rovira grâce à nous. Elles en avaient déjà entendu parler, mais elles ne connaissaient pas sa musique. Vu qu’il était peu connu à l’époque, il n’a pas eu beaucoup de budget pour enregistrer ses morceaux. C’est vraiment un plaisir de leur faire découvrir son oeuvre », se réjouit le musicien.
Après deux albums centrés sur Rovira, le 3ème opus de Sonico le confronte à son rival de l’époque Piazzolla. « Ce n’est pas leur opposition qui nous intéresse, mais leur complémentarité », précise Ariel. « Nous nous sommes penchés sur leurs débuts et avons reconstitué l’Octet de la Plata de Rovira et l’Octet de Buenos Aires de Piazzolla dans leurs formations originales. Nous avons dû faire beaucoup de recherches car la plupart des partitions avaient été brûlées ou endommagées », enchaîne-t-il. Encore un beau défi joliment relevé !
– Delphine Georges