Wolubilis

VERONIKA MABARDI : QUAND L’ÉCRITURE VIVANTE SOIGNE LES MAUX

Article • Publié le Actualités

Avec Sauvage est celui qui se sauve (Éd. Esperluète), Veronika Mabardi signe un ouvrage à la fois personnel, fort, émouvant et lumineux. Une véritable déclaration d’amour à son frère adoptif parti trop tôt. Un hommage poignant qui sera à découvrir à Wolubilis le 12 décembre prochain lors d’une soirée lecture-spectacle musicale. Faisons plus ample connaissance avec cette merveilleuse auteure aux multiples talents.

Les rencontres et l’instinct sont de véritables moteurs pour Veronika Mabardi. Comédienne de formation, elle explique écrire « comme le spectacle vivant. Ça passe par le corps, par les rêves et par le contexte. » Mais certains contextes peuvent être plus pesants que d’autres, même pour celle dont l’écriture est, depuis toujours, un besoin quotidien. Comment trouver les bons mots pour exorciser la sortie de route en 1997 de son frère coréen ? Cet ouvrage est né de plusieurs petites notes accumulées depuis le drame. « J’ai des obsessions qui reviennent à peu près une fois par an mais c’est seulement en 2018 que j’ai décidé d’en faire un livre. L’écriture était difficile car émotionnelle. Ce n’était pas que de la colère, il y avait aussi de grands moments de joie qui se mêlaient à de la tristesse lorsque, par exemple, je trouvais une nouvelle photo. J’avais un objectif très concret : avoir son nom ou un dessin de lui sur la couverture du livre puisqu’il n’a ni tombe ni même de lieu de naissance. Au moins, qu’il soit dans le livre. »

Le multiculturalisme comme fondement
Veronika Mabardi est issue d’une famille où le mélange des cultures est la norme. Elle naît à Leuven, en Flandre, d’un père à moitié égyptien et d’une mère néerlandophone, tous les deux issus de familles socialement différentes, l’une aristocrate, l’autre prolétaire. « Pour moi, tout se mélangeait, les classes, les races. J’avais du mal à savoir qui j’étais là-dedans car les autres me demandaient d’où je venais. J’ai pas mal inventé d’histoires ou romancé mon histoire. Mon grand-père égyptien vivait à Paris, je disais qu’il était Parisien. Ma grand-mère belge vivait au Canada, je disais qu’elle était Canadienne. » Et puis, à l’âge de 7 ans, Veronika accueille son frère venu de Corée. Quelques années après, ça sera au tour de sa sœur. « J’étais plus proche de mon frère et de ma sœur coréens que de mes cousins égyptiens. Pour moi, ce n’était pas clair ce que c’était d’être Coréen. Et puis, je crois que si, à un moment, des enfants s’adoptent, le lien est encore bien plus fort que si c’est biologique » souligne Veronika Mabardi.

C’est en néerlandais que la jeune Veronika commence à écrire. Début des années 70 et du fameux « Walen buiten » à Leuven, elle déménage à Louvain-la-Neuve avec sa famille, où le français devient sa langue d’écriture. « Avec l’apprentissage du français, j’ai pris conscience que le monde n’était pas comme celui que mes parents décrivaient, où tout s’arrange à la fin. Le néerlandais est un refuge pour moi car les gens ne meurent pas dans cette langue. Je n’ai vécu ni de drame, ni été à des enterrements en néerlandais. Après, on arrive à Louvain-la-Neuve et je découvre ce que sont le racisme et l’exclusion. »  Les liens tissés dans une fratrie composée d’enfants adoptés sont inexplicables et intenses. Alors quand on demande à Veronika Mabardi, au final, « qui est le sauvage ? », elle répond : « Je crois que celui qui se sauve, c’est lui (son frère) parce qu’à la fois il s’enfuit et il se sauve. Et je crois que les sauvages, c’est nous. Il y a aussi des dynamiques de fratries. Puisqu’il osait tout faire, tout transgresser, je me suis demandé s’il ne m’a pas un peu protégée ? S’il n’avait pas été là, est-ce que je n’aurais pas, moi, rué dans les brancards ? J’aurais peut-être tout essayé…»

– Marie-Gaëlle Van Snick

>> TICKETS pour lundi 12/12 à 20h00

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