VIVRE AUTREMENT DANS UN MONDE FLUCTUANT
Et si nous nous trompions depuis bien trop longtemps ? Pourquoi toujours viser le résultat en négligeant les aléas de la vie, de la nature et des choses ? Le culte de la performance conduit notre société à mettre en avant les valeurs de réussite et d’optimisation permanente percevant négativement la lenteur, la redondance et l’aléatoire. Naviguons-nous alors à contre-courant dans un monde fluctuant ?
Biologiste français, spécialiste des plantes et de la biologie moléculaire et cellulaire, directeur de recherche à l’INRAE (Institut National de
la Recherche en Agriculture & Environnement) et directeur de l’institut Michel Serre, Olivier Hamant propose à travers son ouvrage La troisième voie du vivant (Éd. Odile Jacob), de tourner le dos à la performance et de choisir la robustesse comme nouvel axe du progrès humain. L’idée est de mettre en avant une perspective novatrice en réhabilitant des aspects souvent négligés.
Dans notre société contemporaine, le culte de la performance s’est érigé en valeur suprême, mettant en avant la réussite et l’optimisation permanente dans tous les domaines. Selon une définition basique, la performance est la somme de l’efficacité (atteindre un objectif) et de l’efficience (avec le moins de moyen possible), nous explique Olivier Hamant. Cette course effrénée de perfection conduit souvent à stigmatiser la lenteur, la redondance et l’aléatoire, les percevant comme des obstacles à éviter. Cependant, il est essentiel de réévaluer ces notions délaissées en s’appuyant sur la compréhension des processus du vivant. « Pensez que le monde est d’abord turbulent ! Quand nous tombons dans le piège de la performance, c‘est que nous faisons l’hypothèse d’un monde stable, en abondance de ressources et en paix. Cette hypothèse est fausse. Une fois considérées les fluctuations, on fait des choix différents : on diversifie ses activités, on se relie à ses voisins, on apprend de nouveaux savoirs, on ne s’épuise plus à la tâche, on respecte son corps… Bref, on vit mieux ! Il faudrait plutôt se demander : pourquoi tient-on tant à l’efficacité ? » (Goodplanet Mag – Olivier Hamant – 06/09/2023)
Les sciences de la vie nous enseignent que, bien que certains mécanismes biologiques soient remarquablement efficaces, les progrès récents soulignent surtout l’importance fondamentale des erreurs et des incohérences dans la construction et la robustesse du monde naturel. La robustesse que défend le biologiste découle des êtres vivants. Ils sont robustes car ils ne sont ni efficaces, ni efficients.
Face aux constats pessimistes et aux alarmes environnementales, il faut réfléchir à la possibilité à adopter une approche inspirée par la sous-optimalité biologique. Comment ces imperfections peuvent-elles constituer un contre-modèle à la recherche obsessionnelle de la performance dans notre société ? En remettant en question la perfection constante, Olivier Hamant esquisse des pistes d’action pour éviter une catastrophe imminente et propose des solutions en vue d’un avenir viable et réconcilié avec la nature. Dans GoodPlanet Mag, Olivier Hamant explique : « Quand on est adaptable, on multiplie les options sans savoir laquelle sera la bonne. Les politiques environnementales devraient acter que dans un monde turbulent, on ne prévoit plus, on se prépare. On bascule donc de la performance à la robustesse. Dit autrement, il ne s’agit plus d’éviter les fluctuations, il faut construire un modèle économique sur les fluctuations. » (06/09/2023) Face à la crise écologique, ces enseignements offrent des alternatives, transformant la sous-optimalité en une voie prometteuse pour un avenir où la symbiose entre l’humanité et la nature devient possible.
– Marie-Gaëlle Van Snick