ZAÏ ZAÏ OU QUAND LA SOCIÉTÉ DÉRAILLE UN ROMAN-PHOTO THÉÂTRAL DÉJANTÉ
Inspiré du roman graphique de Fabcaro, Zaï Zaï à la sauce belge du Collectif Mensuel vous donnera sans doute plus envie de fredonner le Grand Jojo que Joe Dassin, mais il dresse le même constat : celui d’une société où l’esprit critique a fait place aux jugements hâtifs, encouragés par une médiatisation de masse, les réseaux sociaux et des politiques stériles. Pas question cependant de plomber l’ambiance… Car quoi de mieux pour dénoncer l’absurdité que d’en rire ?
Comédienne, bruiteuse ou musicienne improvisée en fonction des besoins, Sandrine Bergot est aussi co-directice du Collectif Mensuel, créé il y a 15 ans autour d’un spectacle éponyme. «J’ai rencontré Baptiste Isaïa et Renaud Riga au Conservatoire de Liège et nous avons fondé ensemble le collectif à l’occasion du spectacle Le Mensuel, un concept qui évoluait chaque mois en fonction de l’actualité», résume-t-elle. Mêlant théâtre, vidéo, marionnettes et esprit critique, le spectacle réunit déjà tous les ingrédients qui font aujourd’hui l’essence du Collectif Mensuel: un groupe multidisciplinaire et expérimental qui s’agrandit au fur et à mesure des projets et des collaborations.
Spectacle en gestation
Fidèle à l’équipe depuis ses débuts, l’écrivain liégeois Nicolas Ancion est l’un des auteurs attitrés du Collectif Mensuel: «Nous avons adapté l’un de ses romans à la scène (ndlr: L’homme qui valait 35 milliards) et il travaille avec nous sur la plupart des textes que nous mettons en scène», explique Sandrine Bergot. «Pour Zaï Zaï il est carrément à la genèse du projet car il est également critique de BD. Il avait lu en primeur l’ouvrage de Fabcaro et avait tout de suite pensé à nous. Mais à l’époque, il y avait plusieurs adaptations prévues de la BD au théâtre et nous avons donc mis l’idée de côté pour quelques temps, jusqu’à ce que le directeur du Théâtre de Poche nous relance en 2020 en nous disant: C’est un projet pour vous!», ajoute-t-elle.
Road-movie liégeois
Librement revisitée et adaptée – avec la bénédiction de l’auteur –, la BD de Fabcaro prend, sous la plume du Collectif Mensuel, la forme d’un romanphoto 100% belge ou plutôt liégeois pour être précis: «Nous avons organisé un véritable tournage pour réaliser le roman photo, avec une grosse centaine de figurants amateurs et dans différents lieux, mais nous avons cherché dans notre entourage proche donc tout a été tourné à Liège, avec des Liégeois», précise la comédienne. Au-delà de la forme, le fond aussi diffère de la version originale: «Dans notre version, le personnage central est un auteur de théâtre et il s’appelle… Nicolas. Nous avons également ajouté quelques protagonistes comme la presse ou le monde politique et il y a évidemment pas mal de références belges».
Théâtre de l’absurde
Sous des dehors très drôles, la pièce dénonce surtout l’absurdité de notre société qui s’emballe et du jugement rapide qui prend le pas sur l’esprit critique. Pour Sandrine Bergot, c’est d’ailleurs une des missions du Collectif Mensuel: «Nous recevons des subsides de la Fédération Wallonie-Bruxelles donc nous avons une fonction publique et c’est important pour nous de questionner via le théâtre, mais sans perdre de vue l’accessibilité, que ce soit sur le plan culturel, intellectuel ou financier», nuancet-elle. «D’où l’importance de l’humour car c’est un biais important pour parler au plus grand nombre», conclut la co-fondatrice du Collectif Mensuel.
Dans la continuité de Blockbuster, piècefilm parodique réalisée à partir de plans puisés dans 160 films et bruitée en direct, Zaï Zaï brouille les pistes du théâtre traditionnel et multiplie les talents sur scène au fil de 70 minutes d’humour décalé et de situations absurdes. Petit conseil: lâchez prise et laissez-vous porter !
– Delphine Georges
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